Florilège de poèmes

Publié le : 04/06/2019 14:15:22
Catégories : Textes mariage, musique et poèmes

Idées de poèmes romantiques pour vos textes

Les mains d'Elsa
de Louis Aragon


Donne-moi tes mains pour l''inquiétude
Donne-moi tes mains dont j'ai tant rêvé
Dont j'ai tant rêvé dans ma solitude
Donne-moi te mains que je sois sauvé 
Lorsque je les prends à moi propre piège
De paume et de peur de hâte et d'émoi
Lorsque je les prends comme une eau de neige
Qui fuit de partout dans mes mains à moi 
Sauras-tu jamais ce qui me traverse
Qui me bouleverse et qui m'envahit
Sauras-tu jamais ce qui me transperce
Ce que j'ai trahi quand j'ai tressailli 
Ce que dit ainsi le profond langage
Ce parler muet de sens animaux
Sans bouche et sans yeux miroir sans image
Ce frémir d'aimer qui n'a pas de mots 
Sauras-tu jamais ce que les doigts pensent
D'une proie entre eux un instant tenue
Sauras-tu jamais ce que leur silence
Un éclair aura connu d'inconnu 
Donne-moi tes mains que mon coeur s'y forme
S?y taise le monde au moins un moment
Donne-moi tes mains que mon âme y dorme
Que mon âme y dorme éternellement..

 

L'albatros
de  Charles Baudelaire

Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.

A peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons trainer à côté d'eux.

Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !

Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.

 

L'invitation au voyage
de Charles Baudelaire

Mon enfant, ma s'ur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !

Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.


Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait

A  l'âme en secret
Sa douce langue natale.

 

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.


Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu?ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.


Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

 

La Mort des amants
de Charles Baudelaire

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,

Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.

Usant à l'envie leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.

Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;

Et plus tard un ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.

 

Harmonie du soir
de Charles Baudelaire

Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir;
Valse mélancolique et langoureux vertige !

Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige;
Valse mélancolique et langoureux vertige !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir.

Le violon frémit comme un coeur qu'on afflige,
Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir !
Le ciel est triste et beau comme un grand reposoir;
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige.

Un coeur tendre, qui hait le néant vaste et noir,
Du passé lumineux recueille tout vestige !
Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige...
Ton souvenir en moi luit comme un ostensoir !

 

Parfum exotique
de Charles Baudelaire

Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,
Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,
Je vois se dérouler des rivages heureux
Qu?éblouissent les feux d'un soleil monotone ;

Une île paresseuse où la nature donne
Des arbres singuliers et des fruits savoureux ;
Des hommes dont le corps est mince et vigoureux,
Et des femmes dont l''oeil par sa franchise étonne.

 Guidé par ton odeur vers de charmants climats,
Je vois un port rempli de voiles et de mâts
Encor tout fatigués par la vague marine,

 Pendant que le parfum des verts tamariniers,
Qui circule dans l'?air et m'enfle la narine,
Se mêle dans mon âme au chant des mariniers.

 

jà la nuit en son parc amassait...
de Joachim Du Bellay

Déjà la nuit en son parc amassait
Un grand troupeau d'étoiles vagabondes,
Et pour entrer aux cavernes profondes
Fuyant le jour, ses noirs chevaux chassait ;

Déjà le ciel aux Indes rougissait,
Et l'aube encor de ses tresses tant blondes
Faisant grêler mille perlettes rondes,
De ses trésors les prés enrichissait ;

Quand d'occident, comme une étoile vive ,
Je vis sortir dessus ta verte rive,
O fleuve mien ! une Nymphe en rient.

Alors voyant cette nouvelle Aurore,
Le jour honteux d'un double teint colore
Et l'Angevin et l'Indique orient.

 

Plaint-Chant
de Jean Cocteau

Je n'aime pas dormir quand ta figure habite,
La nuit, contre mon cou ;
Car je pense à la mort laquelle vient trop vite,
Nous endormir beaucoup.
Je mourrai, tu vivras et c'est ce qui m'éveille!
Est-il une autre peur?
Un jour ne plus entendre auprès de mon oreille
Ton haleine et ton coeur.
Quoi, ce timide oiseau replié par le songe
Déserterait son nid !
Son nid d'où notre corps à deux têtes s'allonge
Par quatre pieds fini.
Puisse durer toujours une si grande joie
Qui cesse le matin,
Et dont l'ange chargé de construire ma voie
Allège mon destin.
Léger, je suis léger sous cette tête lourde
Qui semble de mon bloc,
Et reste en mon abri, muette, aveugle, sourde,
Malgré le chant du coq.
Cette tête coupée, allée en d'autres mondes,
Où règne une autre loi,
Plongeant dans le sommeil des racines profondes,
Loin de moi, près de moi.
Ah ! je voudrais, gardant ton profil sur ma gorge,
Par ta bouche qui dort
Entendre de tes seins la délicate forge
Souffler jusqu'à ma mort.

 

 

Guitare
de Tristan Corbière

Je sais rouler une amourette
En cigarette,
Je sais rouler l'or et les plats !
Et les filles dans de beaux draps !

Ne crains pas de longueurs fidèles :
Pour mules mes pieds ont des ailes ;
Voleur de nuit, hibou d'amour,
M'envole au jour.

Connais-tu Psyché ? - Non ? - Mercure ?...
Cendrillon et son aventure ?
- Non ? -... Eh bien ! tout cela, c'est moi :
Nul ne me voit.

Et je te laisserais bien fraîche
Comme un petit Jésus en crèche,
Avant le rayon indiscret...
- Je suis si laid ! -

Je sais flamber en cigarette,
Une amourette,
Chiffonner et flamber les draps,
Mettre les filles dans les plats !

 Si l'amour est un son de jan David

Si l'amour est un son, ma parole le chante,
Ma poitrine le hurle si l'amour est un cri,
Si l'amour est silence, mon souffle le retient.
Si l'amour est un geste, tout mon être le danse,
Mes mains l'ont buriné si l'amour est statue,
Si l'amour est un mot, ma plume le formule.
Si l'amour est rocher, j'y repose ma tête,
Et j'y plane léger si l'amour est un ciel,
Si l'amour est un lac, j'y flotte entre deux eaux.
Mais si l'amour c'est toi, tout le passé s'éclaire,
Et le présent n'a plus de mystère pour moi,
Et je crois en demain puisque l'amour c'est toi.

J'ai tant rêvé de toi
de Robert Desnos

J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.
Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant
Et de baiser sur cette bouche la naissance
De la voix qui m'est chère?

J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués
En étreignant ton ombre
A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas
Au contour de ton corps, peut-être.
Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante
Et me gouverne depuis des jours et des années,
Je deviendrais une ombre sans doute.
O balances sentimentales.

J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps
Sans doute que je m'éveille.
Je dors debout, le corps exposé
A toutes les apparences de la vie
Et de l'amour et toi, la seule
qui compte aujourd'hui pour moi,
Je pourrais moins toucher ton front
Et tes lèvres que les premières lèvres
et le premier front venu.

J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé,
Couché avec ton fantôme
Qu'il ne me reste plus peut-être,
Et pourtant, qu'a être fantôme
Parmi les fantômes et plus ombre
Cent fois que l'ombre qui se promène
Et se promènera allègrement
Sur le cadran solaire de ta vie.

 

Je t'ai imaginée
de Paul Eluard

Le grand merci que je dois à la vie
Non à la mienne mais à toute vie
Car tu es femme entière à la folie
Et rien n'a pu te réduire à toi-même
Dors mon enfance ma confiance d'or
Sur la litière où nous n'avons qu'un c'ur
Fuyez misères à visage d'homme
Veiller sur toi c'est rêver d'être toi

C?est être sérieux
Sans avoir rien appris
Si de raison ma tête s'éclairait
Je ne serais qu'un homme qui a tort
Baiser m'enivre un peu plus qu'il ne faut
Je suis futur et rien n'a de limites
Toi l'endormie moi l'homme sans sommeil
Nous partageons une marge indistincte
De fruits de fleurs de fruits couvrant les fleurs
Et de soleil s'enchevêtrant aux nuits
Comme si la nuit

Etait la terre des couleurs
Comme si la verdure et l'automne
Naissaient du gel fixé aux branches
Comme si ces vivants que l'on nomme
Sel de la terre ou lumière de nuit
Ne pouvaient pas se contrefaire
Ne pas avoir un ventre déférent
Des seins décents aimables complaisants
Où en es-tu je vis j'ai vécu je vivrai
Je crée je t'ai créée je te transformerai
Pourtant je suis toujours par toi l'enfant sans ombre
Je t'ai imaginée.

 

La terre est bleue
de Paul Eluard

La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence

A  la croire toute nue.

Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.

Oeil de sourd
Faites mon portait.
Il se modifiera pour remplir tous les vides.
Faites mon portrait sans bruit, seul le silence,
A moins que - s'il - sauf - excepté -
Je ne vous entends pas.

Il s'agit, il ne s'agit plus.
Je voudrais ressembler -
Fâcheuse coïncidence, entre autres grandes affaires.
Sans fatigue, têtes nouées
Aux mains de mon activité.

Et un sourire de Paul Eluard

La nuit n'est jamais complète
Il y a toujours puisque je le dis
Puisque je l'affirme
Au bout du chagrin une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée
Il ya toujours un rêve qui veille
Désir à combler faim à satisfaire
Un coeur généreux
Une main tendue une main ouverte
Des yeux attentifs
Une vie à se partager

Etre unis de Paul Eluard

Etre unis, c'est le bout du monde
Le coeur de l'homme s'agrandit
Le bout du monde se rapproche

Le coeur des peuples bat plus fort
Le coeur des peuples bat la terre
Et la moisson sera parfaite

Notre travail est un défi
Jeté aux maîtres, aux frontières
Nous voulons travailler pour nous

Nous prendrons jour malgré la nuit
Nous oublierons nos ennemis
La victoire est éblouissante

Nous avons pénétré le feu
Il faut qu'il nous soit la santé
Nous nous levons comme les blés

Et nous ensemençons l'amour

 

On ne peut me connaître
De Paul Eluard

On ne peut me connaître
Mieux que tu me connais

Tes yeux dans lesquels nous dormons
Tous les deux
On fait à mes lumières d'homme
Un sort meilleur qu'aux nuits du monde.

Tes yeux dans lesquels je voyage
Ont donné aux gestes des routes
Un sens détaché de la terre

Dans tes yeux ceux qui nous révèlent
Notre solitude infinie
Ne sont plus ce qu'ils croyaient être

On ne peut te connaître
Mieux que je te connais.

 

L'amoureuse
de Paul Eluard

Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.

Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.

 

 

La courbe de tes yeux fait le tour de mon c'ur
de Paul Eluard

La courbe de tes yeux fait le tour de mon c'ur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu,
C?est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseau du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d'une couvée d'aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.

 

Nous avons fait la nuit...
de Paul  Eluard

Nous avons fait la nuit, je tiens ta main, je veille
Je te soutiens de toutes mes forces
Je grave sur un roc l'étoile de tes forces
Sillons profonds où la bonté de ton corps germera
Je me répète ta voix cachée, ta voix publique
Je ris encore de l'orgueilleuse
Que tu traites comme une mendiante
Des fous que tu respectes, des simples où tu te baignes
Et dans ma tête qui se met doucement d'accord avec
la tienne, avec la nuit
Je m'émerveille de l'inconnue que tu deviens
Une inconnue semblable à toi,

Semblable à tout ce que j'aime
Qui est toujours nouveau.

 

Je t'aime
de Paul Eluard

Je t'aime pour toutes les femmes que je n'ai pas connues
Je t'aime pour tous les temps où je n'ai pas vécu
Pour l'odeur du grand large et l'odeur du pain chaud
Pour la neige qui fond pour les premières fleurs
Pour les animaux purs que l'homme n'effraie pas
Je t'aime pour aimer
Je t'aime pour toutes les femmes que je n'aime pas

Qui me reflète sinon toi-même je me vois si peu
Sans toi je ne vois rien qu'une étendue déserte
Entre autrefois et aujourd'hui
Il y a eu toutes ces morts que j'ai franchies sur de la paille
Je n'ai pas pu percer le mur de mon miroir
Il m'a fallu apprendre mot par mot la vie
Comme on oublie

Je t'aime pour ta sagesse qui n'est pas la mienne
Pour la santé
Je t'aime contre tout ce qui n'est qu'illusion
Pour ce coeur immortel que je ne détiens pas
Tu crois être le doute et tu n'es que raison
Tu es le grand soleil qui me monte à la tête
Quand je suis sûr de moi.

Je te l'ai dit
de Paul Eluard

Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles
Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'?il qui devient visage ou paysage
Et le soleil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.

 

Nous deux
de Paul Eluard

 

Nous deux nous tenant par la main
Nous nous croyons partout chez nous
Sous l'arbre doux sous le ciel noir
Sous tous les toits au coin du feu
Dans la rue vide en plein soleil
Dans les yeux vagues de la foule
Auprès des sages et des fous
Parmi les enfants et les grands
L'amour n'a rien de mystérieux
Nous sommes l'évidence même
Les amoureux se croient chez nous.

 

L'amour nous fait trembler comme un jeune feuillage
de Charles Guérin

L'amour nous fait trembler comme un jeune feuillage,
Car chacun de nous deux a peur du même instant.
" Mon bien-aimé, dis-tu très bas, je t'aime tant...
Laisse... Ferme les yeux... Ne parle pas... Sois sage...

Je te devine proche au feu de ton visage.
Ma tempe en fièvre bat contre ton c'ur battant.
Et, le cou dans tes bras, je frissonne en sentant
Ta gorge nue et sa fraîcheur de coquillage.

Ecoute au gré du vent la glycine frémir.
C'est le soir ; il est doux d'être seuls sur la terre,
L'un à l'autre, muets et faibles de désir.

D'un baiser délicat tu m'ouvres la paupière ;
Je te vois, et, confuse, avec un long soupir,
Tu souris dans l'attente heureuse du mystère.

 

D'un amour, l'autre
de Patrice Guirao

Dans l''échancrure de ses nuages
Quand la montagne porte seins nus
Les aubes tièdes jusqu'au mirage
Mes mains deviennent l'ombre des nues.

Entre silence et métissage
Entre sommeil et petit jour
Je te délace comme un corsage
Pour faire une place à mon amour

Tout piqueté de diamants doux
Quand la rivière défait son lit
Et qu'elle écarte ses genoux
Mes mains deviennent le chant des pluies

Entre confesse et pieu mensonge
Entre caresse et demi-tour
J?'ouvre tes voies que je prolonge
Pour faire une place à mon amour

Et sur la mer vaguement femme
Quand ses courbures se silhouettent
Et qu'elles se gonflent et qu'elles réclament
Mes mains deviennent ce qu'elles souhaitent

Entre un baiser et un détour
Entre ma peur et ton sanglot
Je te silence à demi mots
Pour faire une place à mon amour


Si?
de R.Kipling

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te remettre à rebâtir,
Ou perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

 Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;

 Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur;

 Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme, mon fils.

 

 

Le papillon
de Alphonse de Lamartine

Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l'?aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S?enivrer de parfums, de lumière et d'azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S?envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté!

 

La lune s'attristait
de Stéphane Mallarmé

La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
C'était le jour béni de ton premier baiser.
Ma songerie aimant à me martyriser
S'enivrait savamment du parfum de tristesse
Que même sans regret et sans déboire laisse
La cueillaison d'un Rêve au coeur qui l'a cueilli.
J'errais donc, l'oeil rivé sur le pavé vieilli
Quand avec du soleil aux cheveux, dans la rue
Et dans le soir, tu m'es en riant apparue
Et j'ai cru voir la fée au chapeau de clarté
Qui jadis sur mes beaux sommeils d'enfant gaté
Passait, laissant toujours de ses mains mal fermées
Neiger de blancs bouquets d'étoiles parfumées.

 

Tu ne ressembles à personne
de Pablo Neruda

Tu ne ressembles à personne depuis que je t'aime.
Laisse-moi t'étendre parmi les guirlandes jaunes. 
Qui inscrit ton nom avec des lettres
de fumée parmi les étoiles du Sud ?
Ah laisse-moi me souvenir comment
tu étais alors, quand tu n'existais pas encore.
Maintenant, maintenant aussi, petite,
tu m'apportes du chèvrefeuille, 
et jusqu'à tes seins en sont parfumés.
Pendant que le vent triste galope en tuant  des papillons 
moi je t'aime, et ma joie mord ta bouche de prune. 
Ce qu'il t'en aura coûté de t'habituer à moi, 
à mon âme esseulée et sauvage, à mon nom que tous chassent. 
Tant de fois nous avons vu s'embraser 
l'étoile du Berger en nous baisant les yeux 
et sur nos têtes se détordre
les crépuscules en éventails tournants. 
Mes paroles ont plu sur toi en te caressant.
Depuis longtemps j'ai aimé ton corps 
de nacre ensoleillée. 
Je te crois même reine de l'univers. 
Je t'apporterai des fleurs joyeuses 
des montagnes, des copihues, 
des noisettes foncées, et des paniers 
sylvestres de baisers. 
Je veux faire avec toi 
ce que le printemps fait avec  les cerisiers.

Mariage d'André Noiret

J'ai vécu tous ces jours, j'ai vécu toutes ces nuits
Pour arriver enfin en ce temps d'aujourd'hui
Où je donne sans crainte à l'avenir certain
Tout mon amour, tous mes émois, tous mes matins
A t'aimer sans détour, à t'aimer tendrement
A ne faire de toi qu'un bouquet d'agrément
Un livre de passion aux mots d'amour si doux
Que tous les dieux du ciel en deviendraient jaloux
Où j'écrirais chaque jour une nouvelle page
En bénissant à jamais notre Mariage.

Moment délicieux de deux c'urs qui s'unissent
Amour partagé pour le meilleur et le pire
Radieux espoirs d'un foyer qui se tisse
Interminables échanges de mots doux, de soupirs
Anneaux scellant un bonheur infini
Goutte pure de rosée qui fait fleurir vos âges
Et mûrir votre amour en un superbe fruit
...Deux âmes qui frissonnent c'est cela le mariage.

S'aimer l'un l'autre la main dans la main
Et triompher traversant les orages
Se retrouver tout au bout du chemin
La route est longue pour ce très beau voyage
Chantez dansez ensemble soyez joyeux
Que vos c'urs vibrent sur la même harmonie
Remplissez la coupe de l'autre et tout heureux
Savourez ainsi cet amour qui vous unit.

L'âme du vent nous raconte sa romance
Demain le printemps où tout se renouvelle
Où le soleil chauffe l'herbe qui danse
Annoncera fièrement la nouvelle
Tintez grelots tintez cloches tous en ch?ur
Entre vos bras ouverts le bonheur a sonné
Les anges du ciel chanteront l'amour vainqueur
En annonçant la naissance d'un nouveau né

Les enfants qui s'aiment
de Jacques Prévert

Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout
Contre les portes de la nuit
Et les passants qui passent les désignent du doigt
Mais les enfants qui s'aiment
Ne sont là pour personne
Et c'est seulement leur ombre
Qui tremble dans la nuit
Excitant la rage des passants
Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie
Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne
Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
Bien plus haut que le jour
Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour

 

Ma bohème
d' Arthur Rimbaud

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot aussi devenait idéal;
J?allais sous le ciel, Muse! et j''étais ton féal;
Oh! là! là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
Des mes souliers blessés, un pied près de mon c'ur!

 

Sensation
d'Arthur Rimbaud

Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l'herbe menue:
Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien:
Mais l'amour infini me montera dans l'âme,
Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, - heureux comme avec une femme.

 

 

Tête de faune
d'Arthur Rimbaud

Dans la feuillée, écrin vert taché d'or,
Dans la feuillée incertaine et fleurie
De fleurs splendides où le baiser dort,
Vif et crevant l''exquise broderie,

Un faune effaré montre ses deux yeux
Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches
Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux
Sa lèvre éclate en rires sous les branches.

Et quand il a fui- tel qu'un écureuil-
Son rire tremble encore à chaque feuille
Et l'on voit épeuré par un bouvreuil
Le Baiser d'or du bois, qui se recueille.

 

 

A Cassandre
de Ronsard

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au votre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que vôtre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

 

 

Ton souvenir est comme un livre
d'Albert Samain

Ton Souvenir est comme un livre bien aimé,
Qu'on lit sans cesse, et qui jamais n'est refermé,
Un livre où l''on vit mieux sa vie, et qui vous hante
D'un rêve nostalgique, où l''âme se tourmente.
Je voudrais, convoitant l''impossible en mes voeux,
Enfermer dans un vers l'odeur de tes cheveux ;
Ciseler avec l'art patient des orfèvres
Une phrase infléchie au contour de tes lèvres ;
Emprisonner ce trouble et ces ondes d'émoi
Qu'en tombant de ton âme, un mot propage en moi ;
Dire quelle mer chante en vagues d'élégie
Au golfe de tes seins où je me réfugie ;
Dire, oh surtout ! tes yeux doux et tièdes parfois
Comme une après-midi d'automne dans les bois ;
De l'heure la plus chère enchâsser la relique,
Et, sur le piano, tel soir mélancolique,
Ressusciter l'écho presque religieux
D'un ancien baiser attardé sur tes yeux.

 

Marine
de Marina Tsvetaeva

Tel est fait de pierre, tel est fait d'argile,
Mais moi je m'argente et scintille
Je m'occupe de trahir, je m'appelle
Marine
Je suis la fragile écume marine

Tel est fait de pierre, tel est fait de chair.

Pour eux cercueils et pierres tumulaire s ;
Dans les fonds marins baptisée,
Je suis dans mon envol, constamment
Brisée !
Au travers des c'urs, au travers des rêts,
Mon bon plaisir perce mon chemin,
Moi ? Vois-tu boucles déchaînées ?
Je ne suis point faite de dépôts salins
Me brisant sur vos genoux de granit,
A  chaque vague je ressuscite,
Que vive l'écume, joyeuse écume,
La haute écume Marine.

 

 

Mon rêve familier
de Paul Verlaine

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

 Est-elle brune, blonde ou rousse? - Je l''ignore.
Son nom' Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
 
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

 

Green
de Paul Verlaine

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches
Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu'à vos yeux si beaux l'?humble présent soit doux.

J'?arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée
Rêve des chers instants qui la délasseront.

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers;
Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

 

 


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